artile repris du site vie-publique.fr/eclairage/, publié le 2 mars 2022
Les jeunes ont été particulièrement touchés par la crise sanitaire du Covid-19, en raison des perturbations dans le domaine éducatif, de l’isolement social, des pertes d’emplois, de revenus et d’évolution de carrière. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), ces difficultés pourraient entraîner l’émergence d’une « génération du confinement »(nouvelle fenêtre).
L’Année européenne de la jeunesse(nouvelle fenêtre), lancée en 2022 sous la présidence française du Conseil de l’UE, a pour but de rétablir des perspectives positives pour les jeunes Européens qui subissent les conséquences de la pandémie. Les députés européens ont voté un budget de 8 millions d’euros, provenant d’Erasmus+(nouvelle fenêtre) et du Corps Européen de Solidarité(nouvelle fenêtre), pour soutenir ce programme. Celui-ci est axé sur quatre objectifs :
- inclure les jeunes dans l’élaboration des politiques européennes, à travers notamment la Conférence sur l’avenir de l’Europe(nouvelle fenêtre), qui doit se conclure au printemps 2022 ;
- promouvoir les possibilités que les politiques de l’UE offrent aux jeunes afin de soutenir leur développement personnel, social et professionnel ;
- souligner les opportunités que représentent les transitions écologique et numérique ;
- intégrer la politique de la jeunesse dans toutes les politiques de l’Union (environnement, éducation, culture…).
Quelle est la situation des jeunes en Europe après la crise sanitaire ?
Les définitions des jeunes varient d’un pays à l’autre, mais la tranche d’âge de 15 à 29 ans est souvent retenue à des fins statistiques au niveau de l’UE. Au 1er janvier 2020, les 27 pays de l’Union européenne compte 73,6 millions de jeunes(nouvelle fenêtre), représentant 17% de la population. 51% des jeunes de l’UE sont des hommes (37,8 millions) et 49% des femmes (35,8 millions).
La part des jeunes dans l’UE a fortement reculé depuis la fin des années 1990 en raison du vieillissement de la population et de la baisse du taux de fécondité. De 22,8% de la population totale de l’UE-27 en 1990, la part des 15-29 ans est tombée à 16,6% en 2019 et devrait continuer de diminuer pour atteindre 15,1% en 2080, selon les derniers chiffres d’Eurostat(nouvelle fenêtre).
Une situation socio-économique préoccupante pour les jeunes
Les jeunes Européens ont un rôle considérable à jouer dans la stimulation de l’emploi et de la croissance de l’Europe, mais se heurtent aujourd’hui à de nombreux freins, tels que l’échec scolaire, la pauvreté, le chômage ou encore l’exclusion sociale.
En 2017, dans son Livre blanc sur l’avenir de l’Europe(nouvelle fenêtre), la Commission européenne estime que « pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, il existe un risque réel que les jeunes adultes d’aujourd’hui connaissent une existence moins aisée que leurs parents. »
La pandémie de Covid-19 a aggravé les inégalités qui existaient déjà chez les jeunes Européens par rapport au reste de la population active sur le marché du travail. Le taux de chômage des jeunes a explosé après la crise financière de 2008. Même si ce taux était à la baisse dans tous les États membres de l’UE entre 2015 et 2019, il est resté plus de deux fois supérieur au taux de chômage global de l’UE.
Selon le dernier rapport sur la jeunesse(nouvelle fenêtre) de la Commission, le taux de chômage a augmenté pour toutes les tranches d’âge en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire, mais cette hausse a été plus marquée pour les jeunes avec un taux de 13,3% en 2020, contre 11,9% en 2019. Cela s’explique en partie par le fait que les jeunes sont surreprésentés dans les secteurs d’activité qui ont été les plus touchés par la crise, comme le commerce de détail ou l’hôtellerie-restauration.
Ces difficultés d’insertion sur le marché du travail entraînent des répercussions négatives sur la vie des jeunes et accroissent les risques de pauvreté et d’exclusion sociale. En 2020, le taux des 15-29 ans en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’UE était de 25,4%, ce qui correspond à environ 18,1 millions de jeunes. Le taux de privation matérielle sévère des 15-29 ans dans l’UE est passé de 5,4% en 2019 à 6,5% en 2020.
Les jeunes en décrochage scolaire, sans formation ni emploi (NEET) sont beaucoup plus exposés à la pauvreté ou à l’exclusion sociale. Dans le cadre de la stratégie Europe 2020(nouvelle fenêtre), l’Union européenne s’était fixé comme objectif de réduire à moins de 10% la proportion de jeunes de 18 à 24 ans quittant prématurément l’éducation et la formation à l’horizon 2020. Il y a eu une tendance à la baisse de la part de NEET depuis 2013, mais l’année 2020 a connu un tournant à la hausse.
En 2020, plus d’un jeune Européen sur six (17,6%) âgé de 20 à 34 ans n’était ni en emploi, ni en éducation, ni en formation(nouvelle fenêtre), soit une augmentation de 1,2% par rapport à 2019.
Les jeunes ont connu une rupture dans l’accès à l’éducation avec la crise sanitaire. La fermeture des établissements d’enseignement et le passage à l’apprentissage à distance ont augmenté les risques de décrochage scolaire chez les jeunes les plus défavorisés et pourrait avoir des effets à moyen et long terme sur leur niveau d’acquisition des compétences et de résultats d’apprentissage, selon la Commission européenne.
Les mesures de l’UE pour lutter contre le chômage des jeunes après la crise
En octobre 2020, une nouvelle recommandation a été adoptée par le Conseil européen(nouvelle fenêtre) pour renforcer la Garantie pour la jeunesse(nouvelle fenêtre), initiée en 2013. Cette initiative européenne vise à ce que tous les jeunes de moins de 25 ans se voient proposer une offre de qualité pour un emploi, une formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi. Le taux de NEET étant plus élevé parmi les 25-29 ans, la garantie renforcée pour la jeunesse a été étendue au moins de 30 ans. Elle prévoit également une meilleure intégration des personnes issues de groupes vulnérables, tels que les jeunes femmes et les personnes handicapées.
En France, la Garantie renforcée pour la jeunesse a été mise en place à travers la Garantie jeunes, remplacée par un nouveau dispositif depuis le 1er mars 2022 : le Contrat d’engagement jeune(nouvelle fenêtre).
En 2021, un sommet s’est tenu à Porto(nouvelle fenêtre) pour construire une Europe plus sociale après les dégâts économiques liés à la crise sanitaire. Dans la déclaration de Porto(nouvelle fenêtre), les dirigeants de l’UE sont convenus que la priorité devrait être donnée aux jeunes.
En juin 2021, le Parlement européen a adopté de nouvelles règles pour lutter contre le chômage et la pauvreté dans l’UE à la suite de la pandémie. Le nouveau Fonds social européen+ (FSE+)(nouvelle fenêtre), doté d’un budget de 88 milliards d’euros pour la période 2021-2027, doit permettre de soutenir l’emploi des jeunes et d’améliorer la qualité de l’apprentissage et des stages. Dans les pays où le nombre de jeunes NEET dépasse la moyenne européenne, 12,5% des fonds du FSE+ devront être consacrés à la lutte contre le chômage des jeunes.
Un nouveau dispositif soutenu par le FSE+ va, par ailleurs, être mis en place pour aider les jeunes à trouver leur place sur le marché du travail. Dans son discours sur l’état de l’Union(nouvelle fenêtre) le 16 septembre 2021, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, a annoncé le lancement du programme ALMA(nouvelle fenêtre) (Aim, Learn, Master, Achieve/Orientation, Apprentissage, Maîtrise, Réussite). Ce programme proposera :
- un séjour supervisé de 2 à 6 mois dans un autre pays de l’UE ;
- un cycle de projet complet proposant un accompagnement et des conseils à chaque étape.
Ce programme doit apporter une réponse complémentaire à Erasmus+ ou le Corps européen de solidarité en offrant un soutien aux jeunes les plus défavorisés et jusqu’ici tenus éloignés des opportunités de mobilité en Europe (en raison par exemple de leur handicap, de leur origine migratoire, de leurs performances scolaires ou leurs compétences professionnelles insuffisantes).
Quelle place pour la jeunesse dans les politiques européennes ?
Les politiques de la jeunesse(nouvelle fenêtre) sont très différentes au sein de l’Union européenne, car celles-ci relèvent exclusivement de la compétence des États membres. Toute harmonisation législative entre les États est exclue.
Néanmoins, l’UE joue un rôle de soutien en encourageant la coopération entre les États et en complétant leurs actions par le biais de programmes, par exemple pour faciliter la mobilité des jeunes (Erasmus+).
L’émergence d’une stratégie européenne en faveur de la jeunesse
Les premiers programmes européens dédiés à la jeunesse sont apparus dans les années 1980. C’est le cas d’Erasmus en 1987, programme phare de l’UE destiné à la mobilité des étudiants européens, suivi en 1988 par le programme d’échanges Jeunesse d’Europe pour les 15-25 ans. En 1996, la Commission européenne prolonge son action avec la création du Service Volontaire Européen (SVE), un programme permettant aux jeunes d’effectuer des missions de volontariat à l’étranger d’ordre social, environnemental et culturel (remplacé en 2016 par le Corps Européen de Solidarité).
Mais c’est en 2001 qu’une politique de coopération dans le domaine de la jeunesse a vu le jour à l’échelle européenne, avec la publication du Livre blanc sur la jeunesse(nouvelle fenêtre). Ce texte offre un cadre stratégique aux différents programmes de l’UE et souligne l’importance de mieux prendre en compte les besoins des jeunes dans les politiques nationales et européennes.
En 2005, un Pacte européen de la jeunesse(nouvelle fenêtre) est adopté par le Conseil européen. Il vise à améliorer l’éducation, la formation et la mobilité, mais aussi à favoriser l’intégration sociale et professionnelle des jeunes.
En 2009, le Conseil adopte une résolution visant à renforcer l’efficacité de la coopération entre les États membres de l’UE(nouvelle fenêtre) dans le domaine de la jeunesse. Ce nouveau cadre établit une stratégie en faveur de la jeunesse pour la période 2010-2018(nouvelle fenêtre). En plus de soutenir différentes initiatives en direction des jeunes, cette stratégie privilégie « une approche intégrée » de la jeunesse au sein d’autres politiques de l’UE (emploi, santé, culture…).
La stratégie de l’UE en faveur de la jeunesse(nouvelle fenêtre) a été révisée pour la période 2019-2027 sur la base de la résolution du Conseil du 26 novembre 2018(nouvelle fenêtre). Cette nouvelle stratégie vise à toucher tous les jeunes et à rendre les programmes de l’Union plus inclusifs pour les moins favorisés. Elle s’articule autour de trois axes :
- mobiliser : encourager les jeunes à participer à la vie démocratique ;
- connecter : promouvoir la participation volontaire, la mobilité à des fins d’apprentissage, la solidarité et la compréhension interculturelle ;
- autonomiser : soutenir l’autonomisation des jeunes grâce à la qualité, l’innovation et la reconnaissance du travail socio-éducatif.
La stratégie 2019-2027 prévoit également la nomination d’un coordonnateur européen des activités relatives à la jeunesse au sein de la Commission européenne afin de renforcer la coopération entre tous les services sur les questions touchant aux jeunes.
Quel cadre juridique pour la jeunesse ?
Les articles 165 et 166 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)(nouvelle fenêtre) constituent la base juridique de l’action de l’Union dans le domaine de la jeunesse. Cette action vise à :
- favoriser le développement des échanges de jeunes et d’animateurs pour la jeunesse et à encourager la participation des jeunes à la vie démocratique en Europe ;
- faciliter l’accès à la formation professionnelle et favoriser la mobilité des formateurs et des personnes en formation, notamment des jeunes.
Sur la base de propositions de la Commission européenne, le Conseil peut émettre des recommandations aux États membres en déterminant certains objectifs à atteindre.
Favoriser la participation des jeunes à la vie démocratique de l’UE
Une étude de 2019 de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP)(nouvelle fenêtre) note que les difficultés socio-économiques auxquelles sont confrontés les jeunes sont susceptibles d’affecter la construction de leurs rapports à l’UE et à la politique européenne.
Une analyse des sondages Eurobaromètres commandités par le Parlement européen depuis 2007 jusqu’en 2018 montre que les jeunes Français âgés de 15 à 24 ans, comme la plupart des jeunes Européens, se montrent relativement plus favorables à l’appartenance de leur pays à l’UE que le reste de la population.
Cependant, le taux d’abstention des jeunes est particulièrement élevé aux élections européennes. Seuls 27,8% des 18 à 24 ans ont participé aux élections de 2014, contre 51,3% des individus âgés de 51 ans ou plus. Selon l’INJEP, cela ne témoigne pas pour autant d’un recul de la participation politique des jeunes, car ces derniers sont souvent attirés par d’autres formes plus directes d’engagement.
Les dernières élections européennes de 2019 ont, d’ailleurs, vu un regain de participation de la part des jeunes. Un sondage Eurobaromètre commandé par le Parlement européen(nouvelle fenêtre) montre que l’augmentation significative du taux de participation aux élections européennes de 2019 vient principalement des jeunes générations qui ont été plus nombreux à voter qu’auparavant. Cette participation était de 42% pour les moins de 25 ans (+14 points) et de 47% pour les 25-39 ans (+12 points).
Mais la participation des jeunes à la vie démocratique de l’Europe ne se limite pas au vote. Depuis 2010, l’Union met en œuvre un dialogue structuré(nouvelle fenêtre) pour construire sa politique de la jeunesse. Ce processus de discussions permet aux responsables politiques de l’UE de recueillir l’opinion et les points de vue des jeunes sur les sujets qui les concernent.
Plusieurs formes de participation préexistaient au dialogue structuré : conseils de jeunes, votes, manifestations, conférences, consultations… Mais l’objectif de ce dialogue est de permettre aux jeunes de contribuer aux processus décisionnels de l’UE et à l’élaboration de la Stratégie en faveur de la jeunesse.
Durant un cycle de travail de 18 mois, chaque pays de l’UE mène une consultation nationale auprès des jeunes et des organisations de jeunesse sur une thématique différente (fixée par le Conseil des ministres de la jeunesse de l’UE).
Les « Objectifs pour la jeunesse » sont le résultat de ce dialogue structuré avec les jeunes et sont proposés lors de la Conférence européenne sur la jeunesse. Onze objectifs ont été identifiés lors la dernière Conférence qui s’est déroulé en Bulgarie, en avril 2018, parmi lesquels « connecter l’UE avec la jeunesse », « assurer l’inclusion de tous les jeunes dans la société », « soutenir les jeunesses rurales » ou encore « favoriser une Europe verte et durable ».
Dans sa communication sur la nouvelle stratégie de l’UE en faveur de la jeunesse pour 2019-2027,(nouvelle fenêtre) la Commission européenne a annoncé le lancement d’un nouveau dialogue plus inclusif pour les jeunes les moins favorisés. La Commission veut toucher un public plus large, notamment au niveau local. Elle propose de mettre en place de nouvelles formes de participation, telles que des campagnes en ligne ou des consultations via des plateformes numériques.